Credit: Sannyas Wiki
Disciple et Maître
Tout d’abord quelques mots sur la relation de Maître à disciple, ou plus exactement de disciple à Maître car c’est cela que je connais. Je me considère toujours comme disciple d’Osho quarante ans après l’avoir rencontré, trente ans après son départ de ce monde. Cela ne signifie pas que je m’identifie à quelque communauté que ce soit se réclamant de lui. Choisir de me mettre en position de disciple est un choix intérieur conscient qui ne relève que de moi-même. Qu’il y ait d’autres disciples peut être important comme soutien mutuel, une sorte de fraternité de cœur, un champ d’énergie. En langage bouddhiste on appelle cette communauté la Sangha. Cela, je peux le ressentir quand je vais à une fête, à une célébration initiée par l’un ou l’autre, quand nous méditons ensemble. Pour autant, je ne fais partie d’aucune organisation, d’aucune institution se réclamant d’Osho. Aucun des groupes organisés autour de son enseignement ne me convient complètement. Je l’ai souvent entendu dire: « Be a light unto yourself. » ce que je traduis par : « Sois ta propre lumière, celle qui t’éclaire de l’intérieur depuis toujours, celle que tu as oubliée depuis trop longtemps. »
Je n’attends pas d’un Maître qu’il soit parfait mais qu’il me guide sur le chemin de mon intériorité, qu’il me rappelle ma propre lumière. Certains peuvent penser que d’avoir un Maître, c’est se mettre en état de dépendance et, pour sûr, cela peut arriver. Pour moi il s’agit de l’opposé. Le Maître authentique est justement celui qui nous ramène constamment à nous-mêmes en traversant tous nos conditionnements et dépendances.
Je peux distinguer plusieurs aspects dans cette relation : Être guidé et fondre ensemble, Maître et disciple, dans la même lumière, le même amour. Voir en face de moi quelqu’un d’éveillé, c’est voir, sentir mon propre potentiel d’éveil. C’est aussi m’imprégner d’une certaine qualité d’énergie, d’une fréquence vibratoire tout à fait spécifique. Je fais l’expérience d’être nourri d’une joie silencieuse et profonde. Un parfum, une musique, une harmonie qui l’entoure, une sorte d’aura magique… Et surtout c’est accepter de fondre ensemble de cœur à cœur avec lui dans l’offrande qu’il me fait de l’état d’être dans lequel il s’est installé. Ses yeux sont pour moi une fenêtre vers l’infini. Les derniers mots qu’Osho m’a envoyés quelques mois avant son départ en réponse à une question écrite : « Chaque jour prends quelques minutes pour écouter dans le silence de ton cœur les battements de mon propre cœur. Tu es sur le chemin, tout ira bien pour toi. » Je fais de mon mieux pour m’en souvenir. De plus, le plus souvent possible, je lis quelques phrases de ses enseignements ou j’écoute sa voix dans un enregistrement audio ou vidéo. C’est un moyen de demeurer dans la même fréquence. Puis, ensemble, plonger dans le vide infini qui est amour et qui est source de toute vie.
J’éprouve souvent des sentiments mêlés envers lui: gratitude, dévotion, agacement, voire colère, et aussi crainte. Crainte d’abord d’être mal compris et jugé dans ma situation de disciple. Ce choix n’est pas rationnel et ne peut pas s’expliquer avec le seul intellect. Un élan de cœur ne peut être expliqué mais seulement vécu et ressenti. Utiliser des mots comme gratitude et dévotion évoque immédiatement une spiritualité douteuse qui mène vers des enfermements sectaires. La dévotion est un des sentiments les plus incompris alors que pour moi c’est l’un des plus merveilleux. Dans mon expérience, c’est tout à la fois élan du cœur, offrande, don de soi, gratitude, silence vibrant d’amour.
Paradoxalement, j’éprouve aussi de l’agacement et de la colère envers lui Osho et ce pour bien des raisons. Il a parfois pris des positions qui ne me conviennent pas et qui ne rentrent pas dans l’idéal que je me fais d’un Maître. Le jour où je le lui ai exprimé et alors que j’ai cru qu’il allait me faire expulser de sa communauté, il m’a simplement répondu: « Un chercheur authentique utilise toute situation pour renforcer la puissance de son observation, de son témoin intérieur. » Je n’ai pu qu’éclater de rire. J’ai réalisé que toutes les situations qu’il créait autour de lui faisaient partie d’une vaste pièce de théâtre dont le seul but était de nous réveiller. Osho est un expert de la provocation tout azimut, en commentant et critiquant des hommes politiques, en incendiant les religions traditionnelles sclérosées et sclérosantes, en proposant une spiritualité joyeuse et non ascétique, en mettant la sexualité et l’amour humain comme étape fondamentale du chemin spirituel…
La relation de disciple à Maître pose un défi fondamental, le rapport entre abandon confiant entre les mains et la guidance du Maître et le respect de son libre arbitre. Comment ne pas suivre aveuglément et rester responsable de ses actes et de ses pensées? Le Maître invite à regarder en soi pour trouver sa propre lumière et le défi est de discerner ce qui vient de mes croyances et conditionnements et qui n’est pas la vérité profonde jaillissant des profondeurs de mon être?